La théorie des cordes est l’une des idées les plus brillantes, mais également des plus controversées de la physique. Au cœur de ce raisonnement se trouve l’une des idées qui sous-tendent la communauté des physiciens depuis des siècles. Elle développe la thèse selon laquelle toutes les différentes particules, forces, interactions et manifestations de la réalité sont liées les unes aux autres dans un même cadre.
Au lieu de quatre forces fondamentales indépendantes (forte, électromagnétique, faible et gravitationnelle), la théorie des cordes ne reconnaît qu’une seule force condensée. Il s’agit d’une belle idée pour unifier les deux piliers de la physique du XXe siècle à savoir la mécanique quantique et la théorie de la relativité d’Albert Einstein. Elle tente d’y parvenir en établissant que les particules sont des entités unidimensionnelles semblables à des cordes dont les vibrations déterminent leurs propriétés telles que la masse et la charge.
Après plusieurs articles, des conférences, des rencontres, des débats et de nombreux livres, il n’existe pas de preuves expérimentales soutenant la théorie des cordes. Néanmoins, les raisons théoriques d’y croire sont légion. N’en déplaise à certains scientifiques, la théorie des cordes n’est pas prête à disparaître. Découvrez l’univers d’une pensée particulière dont la tendance est à l’optimisme.
Une théorie issue d’une modélisation
Selon un site web sur la théorie des cordes créé par l’Université d’Oxford et la British Royal Society, cette idée a été développée pour la première fois entre les années 1960 et 1970. Les cordes avaient été utilisées pour modéliser des données provenant de collisionneurs subatomiques en Europe. Elles ont fourni une manière mathématique et élégante de décrire la force forte, l’une des quatre forces fondamentales de l’univers qui maintient ensemble les noyaux atomiques.
Le sujet est resté marginal pendant de nombreuses années jusqu’à « la révolution des cordes » en 1984. Cette année-là, les théoriciens Michael Green et John Schwarz ont produit des équations qui montrent comment les cordes évitent certaines incohérences qui subsistent dans les modèles décrivant les particules comme objets ponctuels.
Cette première découverte a laissé 5 théories différentes aux chercheurs, expliquant comment les cordes oscillaient dans une réalité à 10 dimensions. Une deuxième révolution a lieu en 1995 lorsque des physiciens ont montré que ces différentes idées étaient toutes liées. En réalité, elles pouvaient être combinées avec une autre théorie appelée supergravité qui fonctionnait en 11 dimensions. Cette interprétation a donné naissance à l’approche actuelle de la théorie des cordes.
La théorie des cordes simplifiée
En tant que candidat à la « théorie du tout », la théorie des cordes vise à résoudre diverses énigmes théoriques dont la plus fondamentale reste le fonctionnement de la gravité pour de minuscules objets comme les électrons et les photons.
La relativité généralise la gravité comme étant une réaction de grands objets à l’instar des planètes ou des régions courbes de l’espace. Mais les physiciens théoriciens pensent que la gravité devrait finalement fonctionner comme le magnétisme : les aimants de réfrigérateur collent parce que leurs particules échangent des photons avec ceux de l’appareil.
De toutes les forces fondamentales, seule la gravité ne répond pas à cette description. Les théoriciens peuvent prédire à quoi devrait ressembler une particule de gravité, mais lorsqu’ils essaient de calculer ce qui se passe quand deux gravitons s’écrasent ensemble, ils obtiennent une quantité infinie d’énergie concentrée dans un petit espace. Cette situation prouve que les mathématiques passent à côté de quelque chose de fondamental.
Une solution possible consiste à se débarrasser de particules de gravitons ponctuels qui posent problème. Cette alternative que les théoriciens ont empruntée aux physiciens nucléaires dans les années 1970 marque un tournant pour la théorie. Les cordes et seulement les cordes peuvent entrer en collision et rebondir proprement sans impliquer des infinis physiquement impossibles. Un objet unidimensionnel est ce qui permet de maîtriser les infinis qui apparaissent dans les calculs.
La théorie des cordes tourne la page de la description standard de l’univers en remplaçant toutes les particules de matière et de force par un seul élément : des cordes. De minuscules cordes vibrantes qui se tordent et tournent de manière complexe et qui ressemblent à des particules. En plus d’apprivoiser la gravité, la théorie a révélé son potentiel dans l’explication des constantes fondamentales comme la masse de l’électron. La prochaine étape consistera à trouver la bonne façon de décrire le pliage et le mouvement des cordes.
La théorie des cordes pour démêler les mystères
Comme dit plus haut, la théorie des cordes est l’une des méthodes pour proposer une théorie du tout. Un modèle qui décrit toutes les particules et forces connues en remplacement du modèle standard de la physique qui peut tout expliquer sauf la gravité. De nombreux scientifiques croient en la théorie des cordes en raison de sa beauté mathématique. Les équations de la théorie des cordes sont décrites comme élégantes et ses descriptions du monde physique sont jugées extrêmement satisfaisantes.
La théorie explique la gravité comme une corde vibrante particulière dont les propriétés correspondent à celle du graviton hypothétique (une particule de mécanique quantique qui porterait la force gravitationnelle). Le fait que la théorie exige 11 dimensions pour fonctionner au lieu des 3 dimensions de l’espace et de celle du temps n’a pas dissuadé les physiciens qui la défendent. Ils ont simplement décrit comment les dimensions supplémentaires sont toutes recroquevillées dans un espace extrêmement petit, de l’ordre de 10 puissances -33 centimètres. Cette considération est suffisamment petite pour qu’on ne détecte pas les dimensions en question.
Les chercheurs ont utilisé la théorie des cordes pour tenter de répondre à des questions fondamentales sur l’univers. Par exemple, ce qui se passe à l’intérieur d’un trou noir ou pour simuler des processus cosmiques comme le Big Bang. Certains scientifiques ont même tenté d’utiliser la théorie des cordes pour maîtriser l’énergie noire, cette force mystérieuse qui accélère l’expansion de l’espace et du temps.
L’émergence d’une théorie plus fondamentale qui répond à des questions
Les scientifiques explorant les relations entre les cinq théories ont commencé à découvrir des liens inattendus qu’Edward Witten a rassemblés et présentés lors d’une conférence sur la théorie des cordes à l’Université de Californie-du-Sud en 1995.
Witten a fait valoir que les cinq théories des cordes représentaient chacune une approche d’une théorie fondamentale à 11 dimensions. Exactement comme les théories de la relativité d’Einstein sur la flexion de l’espace et du temps correspond à la description de Newton des objets se déplaçant à vitesse normale.
Cette théorie est appelée la théorie « M » bien qu’à ce jour, personne ne sache quelle forme mathématique elle pourrait prendre. Le M est probablement inspiré par des objets de dimensions supérieures appelées membranes. La théorie ne comportant pas d’équations mathématiques, elle est un espace sans signification officielle.
Les tentatives pour trouver ces équations générales qui fonctionneraient dans toutes les situations possibles ont peu progressé. Néanmoins, la prétendue existence d’une théorie fondamentale a donné aux théoriciens la compréhension et la confiance nécessaires pour développer des techniques mathématiques pour les cinq versions de la théorie des cordes et les appliquer dans le bon contexte. Les cordes sont bien trop petites pour être détectées avec n’importe quelle technologie imaginable. L’une des premières réussites de la théorie des cordes a été la capacité à décrire l’entropie des trous noirs en 1996.
L’entropie fait référence au nombre de façons dont on peut disposer les parties d’un système sans pouvoir voir dans les profondeurs impénétrables d’un trois noir. Personne ne sait quels types de particules pourraient s’y trouver ni quelles dispositions elles pourraient prendre, bien que l’astronomie s’intéresse de près à ce phénomène.
Pourtant, au début des années 1970, Stephen Hawking et d’autres scientifiques ont montré comment calculer l’entropie en suggérant que les trous noirs ont une sorte de structure interne. La plupart des tentatives de description des trous noirs échouent, mais le calcul des cordes hypothétiques fait l’affaire. La théorie des cordes a permis de faire un comptage exact.
Elle reste cependant confrontée à de nombreux défis. Elle produit un nombre impossible de façons de replier les dimensions supplémentaires qui semblent toutes correspondre aux grandes caractéristiques du modèle standard de la physique des particules sans pour autant distinguer la bonne. De plus, tous ces modèles semblent reposer sur une équivalence entre les particules de force et les particules de matière appelée supersymétrie qui, comme les dimensions supplémentaires ne peuvent pas être observées dans le monde. Les modèles ne semblent pas non plus décrire un univers en expansion.
Certains scientifiques considèrent ces divergences par rapport à la réalité comme des défauts fatals de la théorie des cordes. D’autres pensent, en outre, que les modèles actuels sont trop simplistes et que des caractéristiques comme l’expansion cosmologique et l’absence de supersymétrie pourraient un jour, être intégrées dans les versions améliorées de la théorie. La nouvelle ère de l’astronomie des ondes gravitationnelles pourrait apporter de nouvelles informations.
La théorie moderne des cordes relie les points mathématiques
Quelle que soit l’évolution de la théorie des cordes, son héritage en tant que programme de recherche productif peut être assuré sur la seule base du mérite mathématique. Lorsque Witten et d’autres ont déduit que les cinq théories des chaînes étaient l’ombre d’une seule théorie, ils ont mis en évidence des connexions appelées dualités. Ces dernières se sont avérées être d’une contribution majeure aux mathématiques et à la physique.
Une dualité est une relation mathématique abstraite entre deux situations qui semblent différentes, mais qui peuvent être traduites de l’une à l’autre. Prenons par exemple l’hologramme d’un oiseau sur une carte de crédit. Est-il en 2D ou en 3D ? Dans un sens physique, l’autocollant est plat, mais dans un sens visuel, l’image a de la profondeur. Les deux s’accordent à dire que l’hologramme contient un oiseau.
Les physiciens ont utilisé des dualités analogues pour rapprocher des branches mathématiques comme la géométrie et la théorie des nombres. Chacune fonctionne de manière distincte, mais les dualités permettent de résoudre des problèmes dans un cadre en utilisant des calculs effectués dans l’autre. D’autres dualités aident à surmonter les difficultés de l’informatique quantique.
La théorie des cordes, une quête sans fin
La théorie des cordes a récemment fait l’objet d’une étude approfondie. La plupart de ses prédictions ne sont pas vérifiables avec la technologie actuelle, de sorte que de nombreux chercheurs se sont demandé s’ils ne se trouvaient pas dans un cul-de-sac. En 2011, des physiciens se sont retrouvés au musée américain d’histoire naturelle afin de discuter de la nécessité de recourir à la théorie des cordes comme description viable de la réalité.
Les défis de la théorie des cordes proviennent de la théorie elle-même. Elle prédit l’existence d’un nombre potentiellement énorme de mondes (jusqu’à 10 puissances 500). Ce paysage aux multiples facettes semblait offrir suffisamment de possibilités aux chercheurs pour en découvrir une qui correspond à notre version de la réalité. Mais en 2018, un article influent a suggéré qu’aucun de ces univers hypothétiques ne ressemblerait à notre cosmos. Aucun d’eux ne comportait une description de l’énergie noire telle qu’on la comprend actuellement.
Les théoriciens des cordes proposent une quantité apparemment infinie de constructions mathématiques qui n’ont aucun rapport avec la réalité selon certains scientifiques. D’autres chercheurs affirment que la théorie des cordes donnera un jour des résultats, mais que le sort ultime de cette théorie reste encore inconnu.
Pendant des décennies, les scientifiques ont théorisé sur ce qui se trouve au-delà de la troisième dimension et sur la possibilité d’avoir une théorie unifiée pour expliquer tous les rouages de l’univers. Et la théorie des cordes semblait être la solution définitive. Même si elle a connu des évolutions au fil des années, elle ne fait toujours pas l’unanimité au sein de la communauté des chercheurs. Pourtant, elle permettrait d’atteindre une sorte de compréhension fondamentale de la nature. Espérons que le Grand Collisionneur d’Hadron puisse aider à y arriver comme le stipulent certains scientifiques.
De la même façon, si les limites de la physique continuent d’être repoussées avec la théorie des cordes, il y a moyen de parvenir un jour à obtenir des informations unifiant les points de vue. Bien que la théorie M ne soit pas encore une réponse absolue et approuvée pour une équation unifiée, elle a jusqu’à présent donné aux scientifiques des informations inestimables sur les objets en 2 et 5 dimensions. Du reste, la capacité de comprendre les dualités unifie et relie la compréhension actuelle de la théorie des cordes.
En conclusion, la théorie des cordes est un courant de pensée destiné à regrouper les scientifiques du monde entier autour d’une explication fondamentale et unique. Elle a connu une évolution constante à travers le temps, servant de base à de nouvelles théories. De l’astronomie aux mathématiques, cette théorie trouve une application particulière. Malgré le scepticisme de certains, la théorie des cordes détient un réel potentiel. Si l’homme a pu marcher sur la Lune, il n’est pas exclu qu’il puisse un jour expliquer tous les mystères de l’univers. Pourquoi ne pas garder ce point positif et être optimiste pour la suite ?